Les espèces exotiques envahissantes sont considérées comme l’un des facteurs les plus effectifs de la perte de biodiversité à l’échelle mondiale [1]. Leur rapide propagation et leur capacité à se développer et se maintenir en font des espèces contre lesquels il est très difficile de lutter efficacement durablement.
Des espèces importées depuis des siècles restent ainsi difficiles à éliminer. Prenons l’exemple de l’Australie qui, malgré des mesures drastiques, peine à éliminer des espèces introduites lors de la colonisation européenne. En Europe, l’érismature rousse, canard natif d’Amérique du Nord introduit dans les années 1940, est inscrite sur la liste des espèces exotiques envahissantes préoccupantes pour l’Union européenne. Son développement a un impact considérable sur son homologue européen, l’érismature à tête blanche, aujourd’hui menacé à l’échelle mondiale. L’hybridation entre les deux espèces est la principale menace qui pèse sur l’érismature à tête blanche. Celle-ci peut ainsi générée une érosion du génome des espèces indigènes conduisant à une disparition totale et irréversible de ces espèces. Des croisements génétiques entre populations ou intra-populations (dérive génétique/consanguinité) peuvent par ailleurs être favorisés par empiétement des espèces exotiques sur le territoire des espèces indigènes.
La compétition pour l’habitat ou la ressource
Citons le cas du vison d’Amérique introduit pour sa fourrure en 1920. Des échappées régulières, volontaires ou non, ont favorisé la formation de populations sauvages viables. Il représente un compétiteur du vison d’Europe aujourd’hui classé en danger critique d’extinction et fait l’objet d’un plan national d’action.
Outre la niche écologique similaire, la compétition s’exercerait principalement pour l’accès aux ressources alimentaires, notamment pendant les périodes où les proies sont les moins abondantes. On considère la présence du vison d’Amérique comme l’une des menaces majeures pour le vison d’Europe.
Les espèces exotiques peuvent par ailleurs être vectrices de maladies et de parasites contre lesquels les espèces indigènes ne sont pas immunisées.
Les écrevisses, américaine, rouge de Louisiane et californienne en sont un exemple concret. Porteuses saines d’un champignon ( Aphanomyces astaci), elles transmettent la peste de l’écrevisse aux écrevisses indigènes qui, dépourvues des défenses immunitaires adaptées, voient leurs populations décimées.
Par leur capacité à affecter aussi bien les écosystèmes que les espèces en elles-mêmes, les espèces envahissantes déstabilisent la dynamique des écosystèmes et menacent leurs services rendus. L’introduction d’espèces exotiques n’est pour autant pas strictement négative et peut parfois présenter un impact positif. Parmi les services écosystémiques les plus positivement impactés, on note ainsi la purification de l’eau ou encore la régulation du climat. Le risque repose sur l’apparition de conséquences secondaires, souvent mal anticipées, de l’introduction de ces espèces. Ce fut le cas aux États-Unis. Dans la région des Grands Lacs, la moule zébrée (Dreissena polymorpha) fut introduite du fait de ses qualités de filtreur et de son rôle dans l’amélioration de la clarté de l’eau. Aujourd’hui invasif, le mollusque pose des soucis de sécurité sanitaire, sociaux, environnementaux et économiques [2].
Si ces impacts positifs sont probablement sous-estimés, il est certain que les conséquences négatives de l’introduction de ces espèces sont bien plus nombreuses. Une étude sur les impacts des espèces marines exotiques envahissantes en Europe a montré que sur 87 espèces évaluées, 30 % avaient un impact sur le fonctionnement des écosystèmes et leurs processus, le plus souvent de façon négative [3].
Cette étude explique par ailleurs que près de la moitié des espèces étudiées peuvent significativement modifier et créer des habitats. Ces espèces dites « ingénieures » altèrent les écosystèmes en transformant leurs propriétés physiques et chimiques. Elles peuvent ainsi agir sur l’oxygénation de l’eau, sur le régime des feux, sur le cycle des nutriments ou encore sur la composition atmosphérique [4]. La structure même des écosystèmes peut aussi être affectée. Les jussies et les renouées sont ainsi connues pour déstabiliser les berges.
Biblio graphie
[1] https://ipbes.net/invasive-alien-species-assessment
[2] Pejchar,
Liba & Mooney, Harold. (2010). The Impact of Invasive Alien Species on Ecosystem Services and Human Well-being. Bioinvasions and Globalization: Ecology, Economics, Management, and Policy. 24. 10.1093/acprof:oso/9780199560158.003.0012.
[3] Stelios
Katsanevakis, Inger Wallentinus, Argyro Zenetos, Erkki Leppäkoski, Melih Ertan Çinar, Bayram Oztürk, Michal Grabowski, Daniel Golani and Ana Cristina Cardoso. Impacts of invasive alien marine species on ecosystem services
and biodiversity: a pan-European review (pp 391-423)
[4] Yanbao, L., HaiFeng X., YuLong, F. Impacts of alien plant invasions on biodiversity and evolutionary responses of native species. Biodiversity Science 2010 Vol.18 No.6 pp.622-630