1. Pouvez-vous vous présenter et nous dire qui vous êtes ?

Mélanie : Je suis Poirier Mélanie, chargée d’études zones humides au sein de la Fédération des chasseurs de l’Oise. Je travaille sur le projet OIZH’EAU, qui est un projet en partenariat et subventionné avec l’Agence de l’eau Seine Normandie dans le cadre duquel on rencontre des chasseurs propriétaires de mares de lutte sur lesquels on va faire des inventaires faunistiques notamment libellules, oiseaux, amphibiens et des plantes et des habitats. C’est un projet sur la base du volontariat et il peut amener à faire des travaux si besoin, pour favoriser la biodiversité sur les mares étudiées.

J’ai une license que j’ai fait à l’université de Lorraine à Metz puis j’ai fait mon master avec spécialité Gestion Evolution Biodiversité à Lille. C’est mon premier poste dans l’environnement.


Manon : Je suis Manon Castaing, chargée de mission environnement à la Fédération des chasseurs de l’Oise. Mes missions sont diverses. Elles concernent les bio-corridors, le lien avec les partenaires de terrain, les espèces exotiques envahissantes et j’interviens ponctuellement sur d’autres dossiers comme sur l’énergie verte, les zones humides…

J’ai déjà travaillé mais c’est mon premier poste en tant que chargée de mission environnement. J’avais fait des CDD auparavant, notamment dans des fermes pédagogiques.

J’ai un cursus assez atypique. J’ai fait un BTS production animale. A l’époque, l’élevage était très critiqué et je partais du principe qu’on ne peut pas critiquer si on n’a pas de solutions à apporter, c’est pour ça que je me suis orientée vers ces études. J’ai fait des stages en production intensive puis j’ai poursuivi en licence puis en master Environnement à l’ISA à Lille.

Mélanie Poirier
Manon Castaing
2. Quelles sont vos missions et enjeux dans votre poste (relatifs ou non aux EEE) ?

Mélanie : Je travaille depuis septembre 2021 sur ce poste. Les missions consistent à rencontrer les chasseurs, voir s’ils souhaitent adhérer ou non au projet vu que c’est sur la base du volontariat et ensuite faire des missions d’inventaire. Ensuite on saisit les données et on rédige un plan de gestion. Toujours en concertation avec les propriétaires, on voit s’il y a des aménagements à faire, s’ils sont d’accord ou pas etc. C’est la partie diagnostic du projet. On a aussi une partie animation et sensibilisation. C’est le cas sur les EEE mais aussi sur les espèces protégées. On fait aussi de l’animation auprès des scolaires et du grand public et de la communication sur le projet.

L’année dernière, par exemple, lors d’une réunion, on avait fait une présentation sur les EEE parce qu’on en a beaucoup sur nos sites, que ce soit en faune ou en flore.

Pour la flore, c’est principalement l’Aster lancéolé et l’Elodée de Nuttall et pour la faune, c’est le Ragondin et parfois la Bernache du Canada ou l’Ouette d’Egypte. On s’est rendu compte que malgré nos préconisations sur les plans de gestion, rien n’était fait, parce que soit ils ne lisaient pas, soit ils ne reconnaissaient pas l’espèce donc on a décidé d’organiser une présentation bien complète pour gagner en efficacité et en compréhension.


Manon : Les missions concernent l’accompagnement et le suivi des projets bio-corridors, par exemple le canal Seine-Nord Europe, des projets d’aménagement pour la grande faune et la réalisation de suivis entre les différents massifs forestiers.

On propose aussi de vérifier la fonctionnalité des corridors par pose de pièges photographiques. L’analyse des photos se fait en interne. Tous les projets que je gère sont en lien étroit avec le soutien de l’équipe technique. Ce sont des appuis techniques sur le terrain et ils ont le relationnel avec les chasseurs.

Il y a aussi la gestion de tous les projets subventionnés. Ils peuvent être hyper variés (installation de haies, recensement des colonies d’hirondelles…). Ils ne sont pas ciblés sur le gibier mais sur toutes les espèces y compris les espèces protégées. On part du principe qu’en tant que Fédération, on a un droit de regard sur les zones chassées privées et souvent on se rend compte que ces zones sont hyper riches en biodiversité. Cela permet de faire des aménagements pour toutes espèces sur des endroits où tous les acteurs ne peuvent pas aller.

Il y a aussi les EEE. C’est un peu nouveau pour moi puisque c’est suite au départ d’une collègue en juin 2022 que j’ai repris le dossier. Je m’occupe des EEE faunistiques uniquement. L’idée est de relancer la dynamique au sein de la Fédération et surtout, et je pense que Mélanie peut confirmer, on s’est aperçu que les chasseurs ne sont pas forcément connaisseurs des EEE présentes sur le territoire et pour mener à bien une lutte ou limiter leur expansion il faut impérativement les connaitre. C’est dans ce cadre qu’on organise la conférence EEE et qu’on s’implique dans le groupe Tamia.

Il y a aussi tout le relationnel avec les partenaires. J’essaie d’aller aux commissions du PNR, on intervient en SAFER, on est consulté pour pas mal de choses… J’interviens aussi dans le cadre de Symbiose, une association qui regroupe divers acteurs et qui a pour but de préserver la biodiversité dans les parcelles agricoles. On a par exemple un projet mené en lien avec le MNHN sur l’Œdicnème criard. Et cette année, j’ai aussi en charge la rédaction du nouveau schéma départemental de la gestion cynégétique qui est valable sur 6 ans.

3. Comment, pourquoi et quand la problématique des EEE s’est-elle insérée dans vos missions ?

Mélanie : Assez rapidement. Déjà, rien qu’en lisant les plans de gestion, je me suis vite rendu compte qu’il y avait beaucoup d’EEE sur les sites et présentes parfois depuis plusieurs années. J’ai oublié de le préciser mais c’est un projet qui date de 2016.

J’ai aussi fait un stage sur une espèce, qui n’est pour l’instant pas considérée comme une EEE mais qui le sera probablement, au laboratoire interdisciplinaire des environnements continentaux à Metz. C’est (le Gobie à tâche noires) un petit poisson originaire du bassin Ponto Caspien et qui s’est propagé via le Danube jusqu’au Rhin et qui a maintenant atteint la rivière de la Moselle. Il a colonisé très rapidement la Moselle et le problème c’est qu’il est très vorace et donc a un impact très négatif sur les espèces indigènes.


Manon : J’ai commencé à travailler sur la thématique en 2022, suite au départ de ma collègue, mais c’est un sujet qui m’intéressait déjà avant cela. On a remis en route la dynamique en interne notamment sur la stratégie régionale EEE. On a tout intérêt à s’y positionner puisque sur le département de l’Oise, on est reconnu comme expert de la gestion de la faune commune. On est régulièrement contacté par des bureaux d’étude, par des organismes privés et publics.  On a quand même un devoir de gérer et ça passe par le piégeage, par la régulation à tir et donc c’est en ça que l’on a un devoir de s’y investir et d’informer nos chasseurs. On essaie aussi de soutenir l’association des piégeurs qui est en train de se restructurer.

4. Quelles sont vos principales missions relatives aux EEE et sur quels aspects de la problématique des EEE êtes vous amené à travailler ?

Mélanie : Conseiller les gestionnaires, les sensibiliser et les accompagner, notamment s’ils ont des travaux à faire. On est toujours là pour les aider au mieux dans la gestion.


Manon : Je ne saurais pas le dire car la direction nous permet beaucoup de choses. Tout va dépendre des opportunités et de mes disponibilités. Ce n’est pas une thématique prioritaire, surtout cette année, puisqu’il y a le schéma, néanmoins on s’implique quand même, notamment sur la thématique Tamia.

Si Mélanie suit vraiment les missions du projet OIZH’EAU qui sont définies et inscrites dans une convention avec l’AESN, ce n’est pas du tout mon cas. La thématique n’est pas subventionnée, elle est sur fonds propres donc j’ai beaucoup plus de liberté. Mes missions sur les EEE vont dépendre de ma disponibilité, de celles des agents et des projets émergents.

5. Aviez-vous déjà travaillé sur les EEE ? Qu’est-ce qui vous a attiré dans cette thématique ou ce poste ?

Mélanie : Oui, via mon stage.
C’est surtout l’impact qu’elles ont sur l’environnement qui m’interpelle, notamment dans les zones humides. Ces milieux sont de plus en plus rares et le fait qu’une EEE colonise ces milieux au détriment des espèces indigènes, ça interpelle. C’est valable pour les zones humides mais aussi pour les autres milieux. Surtout quand on sait que c’est une des principales causes de perte de la biodiversité.


Manon : Non, je n’avais jamais travaillé sur les EEE.

Ce qui m’attire, c’est qu’il y a une vraie problématique. On reçoit aussi de plus en plus d’appels de communes qui se tournent vers nous parce qu’elles ont un problème avec une EEE et par le biais de l’aide que l’on va apporter, on peut changer la vision de ces communes sur la chasse. Il y a aussi une problématique vis-à-vis du GP. C’est difficile de faire accepter aux gens que même si certaines espèces sont mignonnes, elles ont un impact sur nos espèces indigènes.

C’est une thématique qui regroupe de la sensibilisation, du terrain et du relationnel partenaires. C’est en ça que c’est une thématique assez intéressante.

6. Travaillez-vous sur les EEE animales, végétales, les 2 ou sur certaines espèces en particulier ?

Mélanie : Je travaille sur les deux et principalement sur les espèces liées aux zones humides.


Manon : Animales et aussi sur certaines espèces en particulier. On répond à tous les appels à l’aide mais on agit principalement sur le Ragondin, le Raton-laveur, le Tamia de Sibérie et dans une moindre mesure, sur la Perruche à collier, la Bernache du Canada, l’Ouette d’Egypte et l’Erismature rousse.

7. Vos missions vous permettent-elles de côtoyer d’autres acteurs régionaux impliqués sur la thématique ? Si oui, lesquels ?

Mélanie : Oui, le CBN de Bailleul, le CEN, le PNR Oise – Pays de France, quand on a des sites sur son périmètre, et le CPIE des Pays de l’Oise puisqu’on fait des actions de sensibilisation en partenariat avec eux. Ils ont un module « Guide nature » avec une session sur les zones humides donc on intervient pour parler des ZH, de la chasse… à du public qui va être formé pour devenir guide nature. On travaille avec eux depuis deux ans maintenant.


Manon : Oui, il y a des acteurs du public et du privé. On peut citer la SANEF, tous nos chasseurs et adhérents, l’OFB, le CEN, le PNR, Picardie Nature, les collectivités, l’ONF, la DDT, la DREAL, l’association des piégeurs, l’Institut de France notamment l’Institut du Domaine de Chantilly, les sociétés de chasse. C’est déjà un bon échantillon.

8. Qu’appréciez-vous le plus dans le fait de travailler sur la thématique des EEE ? Qu’est-ce qui vous semble au contraire difficile ou désagréable ?

Mélanie : J’apprécie de voir l’impact de la disparition des EEE sur les autres espèces. Cela permet de valoriser le site et c’est ce qui est intéressant. L’inverse l’est aussi, observer l’impact des EEE sur les espèces indigènes pour pouvoir montrer aux propriétaires l’intérêt d’agir.

Ce qui est difficile c’est que chaque EEE a ses propres caractéristiques et du coup la gestion n’est pas évidente. Je m’appuie beaucoup sur le guide du CBN de Bailleul.

Ce qui est aussi embêtant quand on agit sur un site, c’est qu’il n’y ait pas d’actions sur les EEE présentes sur les sites alentours, c’est frustrant et parfois difficile de convaincre les propriétaires d’intervenir.


Manon : Un peu tout mais surtout le fait que la thématique regroupe plusieurs aspects scientifiques dont le terrain, la sensibilisation et le relationnel partenaires.

Ce qui va être compliqué, c’est d’associer le grand public à l’idée de lutter contre les EEE ou de limiter a minima leur expansion. Aujourd’hui, on a tendance à accorder de plus en plus de sensibilité aux animaux et quand on évoque la régulation par le tir, notamment, ça passe mal auprès du grand public. Il ne faut pas croire, ça ne fait jamais plaisir de tirer sur un Raton-laveur mais on connait les conséquences si on n’intervient pas.

9. Parlez-nous d’un projet relatif aux EEE sur lequel vous travaillez actuellement ou que vous prévoyez de mener dans les semaines ou mois à venir ?

Mélanie : Il y a la conférence EEE le 10 mars à la FDC de l’Oise. On fait intervenir plusieurs partenaires et elle s’adresse à tous les publics, dont les chasseurs mais pas uniquement, pour les sensibiliser à la faune et à la flore exotiques envahissantes.
On fait intervenir le CPIE, le CEN, la DREAL, la FREDON, des piégeurs, l’OFB et le Ministère de la Transition écologique. C’est un évènement partenarial, qui va permettre de présenter des notions générales, des espèces et des travaux comme l’étude sur le Tamia de Sibérie.


Manon : Typiquement, le groupe de travail sur le Tamia de Sibérie. L’idée est d’actualiser les connaissances notamment sur les populations présentes dans l’Oise, d’identifier l’expansion de la population par rapport à une zone déjà ciblée il y a 10 ans et de vérifier d’autres localisations sur le département. Dans ce cadre là, on va prendre un stagiaire pendant 2 mois. Une première période au mois de juin et une deuxième période sur les mois d’août et de septembre, en partenariat avec l’OFB. Il y aura des protocoles test qui vont être menés par les deux stagiaires conjointement.
Ce projet est vraiment bien car il illustre le terrain, la sensibilisation et le relationnel. Cette action se fait avec tout un panel de partenaires qu’elle (la stagiaire) va être amenée à rencontrer.

10. Racontez-nous une expérience ou un élément qui vous a marqué en lien avec les EEE ?

Mélanie : Ça concerne un site qui a intégré le projet en 2016 ou 2018. Plusieurs suivis avaient été fait et le gestionnaire avait mené plusieurs actions de gestion de l’Aster lancéolé sur son site mais à cause de l’absence de gestion sur les parcelles adjacentes, l’Aster est revenu de manière très rapide et sur une surface assez conséquente. C’est assez impressionnant quand on fait un suivi et qu’on compare les cartes d’une année sur l’autre. Je pense que c’est très important d’avoir une gestion coordonnée entre les différents propriétaires même si ce n’est pas toujours évident. On voit bien qu’en l’espace de quelques mois, elles peuvent coloniser de grandes zones.


Manon : Je suis encore trop novice sur la thématique mais je pense que cette année c’est la conférence et le stage qui vont me marquer, même s’ils ne sont pas encore passés.

11. Si vous deviez vous identifier à une EEE, laquelle choisiriez-vous et pourquoi ?

Mélanie : Je dirai le Rat musqué parce que c’est un animal assez discret et petit et qui se faufile partout. Je ne suis pas très grande non plus.


Manon : J’aurais tendance à dire le Tamia. C’est une espèce qui est hyper sociable et c’est mon cas. Si dans l’équipe ça ne va pas, il ne faut pas compter sur moi. C’est l’équipe avant tout et le Tamia il mise beaucoup sur les relations sociales. Et il hiberne ! Et moi j’aime bien rester au lit.

Rat musqué ©Jean-Luc Hercent
Rat musqué ©Jean-Luc Hercent
Tamia de Sibérie ©Jean-Louis Chapuis
Tamia de Sibérie ©Jean-Louis Chapuis
12. Pour conclure, concernant les EEE, quel est votre mot d’ordre ou philosophie ?

Mélanie : Sensibilisation, prévention, action.

Manon : Ma philosophie, c’est d’accroitre les connaissances que l’on a pour mieux sensibiliser ET de vulgariser les informations. Ce sont les 3 points principaux sur les EEE et c’est dans ce cadre là qu’on organise la conférence et le stage.

Entretien réalisé par Marie ANGOT le 16 février 2023 en la présence de Mélanie Poirier et Manon Castaing.
Relecture
: Mélanie Poirier et Manon Castaing.
Mis en ligne le 23/02/2023.

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Mélanie POIRIER
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